« J’aimerais qu’il existe des lieux stables, immobiles, intangibles, intouchés et presque intouchables, immuables, enracinés ; des lieux qui seraient des références, des points de départ, des sources.
[…] De tels lieux n’existent pas, et c’est parce qu’ils n’existent pas que l’espace devient question, cesse d’être une évidence, cesse d’être incorporé, cesse d’être approprié. L’espace est un doute : il faut sans cesse le marquer, le désigner ; il n’est jamais à moi, il ne m’est jamais donné, il faut que j’en fasse la conquête. » [ 1 ]
Georges Perec décrit ici le pouvoir de « l’espace » à être un médium que l’on appréhende par le mouvement. Une « scène » (pour reprendre le vocabulaire technique de la 3D) que l’on ne cesse de conquérir à force de répétitions, d’apprentissage, d’aller-retours et d’occupations. L’auteur semble appeler à ce saisir de cette notion poètique du doute, pour établir un camp provisioire ou simplement parcourir, parcourir et re-parcourir. Un doute, un entre-deux, un intermezzo que je tente de stimuler dans ma pratique. Au fur et à mesure de ma recherche en quête d’un outil numérique à la marge de manœuvre la plus large pour l’interacteur, l’espace d’un territoire ouvert m’est apparut comme une des hypothèses. Un espace indéfini, puis en définir des modalités d’accès pour en faire un territoire. Un territoire de recherche, un territoire d’apprentissage, un territoire où l’on marche simplement.
Mais quelles sont les caractéristiques d’un territoire dans un contexte de médiation par nos outils numérique ? Ce territoire est formé d’une part d’une situation (un contexte d’actions) qui nécessite donc une temporalité, un espace et un sujet (pas de situation sans sujet, puisqu’il n’y aurait alors personne pour activer cette situation). Je vais tenter, par une histoire-schéma, de raconter comment j’en suis arriver à cette notion de territoire et comment je comprends cette notion de situation et de territoire.
Imaginons deux objets (au sens « d’occasion, matière pour l’esprit » [ 2 ]) matérialisés par deux sphères, « 1 » et « 2 », sans aucune forme de hiérarchie.
Plaçons ces deux sphères sur un support plat, manipulable, que nous appellerons alors « Médium ». Celui-ci permet alors de confronter les deux sphères, en les faisant rouler, les deux objets sont alors actionnés. C’est alors que « 1 » devient un peu « 2 », et inversement.
Et si l’on s’approche un peu, on s’aperçoit qu’a lieu un échange sémantique réciproque, un entre-lieux, un mouvement de boucle d’aller-retour qui forme un 1+2=3.
Cependant il manque l’acteur, qui constate, active. Se forme alors un environnement, ou une diégèse dans un cadre cinématographique. Le support n’est plus seulement un plateau mais une sorte de forme fermée où la scène résonne et fait vibrer cette «boîte».
L’acteur devient peu à peu interacteur, tant sa forme marque l’environnement et tant son corps est traversé par la boîte médium.
Celui-ci fait alors l’expérience des phénomènes acoustiques à chaque boucle d’échange et de rétro-action où se dessine un échange mutuel. Le lien devient réseau, puis système. C’est cette confre-forme de résonance, manifeste de l’acoustique du médium qui révèle les coutures de celui-ci, devient manifeste du monde des échanges où cette situation prend forme.
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