Umwelt V01 [ Dernière mise à jour : 16.12.19 ]
Présent dans l'installation n°1.
Seconde version Plus de textes

LA DÉCOUVERTE
Il y a une terre. Il y a un environnement où l’ombre est docile.

Un lieu où s’immerge et s’immisce l’homme qui marche, qui déambule. Erratique, il marche de manière erratique. Là où l’errance se situe entre le flâneur et le scientifique, quand se croisent sens et sensation.

Iel lui est impossible de connaître ce lieu, seulement d’en faire partie, de construire et de se construire avec. Le décrire par ses qualités matérielles n’est pas suffisant, il faut tenter d’appréhender la narration d’une pratique de celui-ci, ou, au mieux, le pratiquer soi-même.

Un pas, puis un autre… Les jambes se découvrent hasardeusement à mesure qu’elle frôle la terre ferme. Encore un autre pas, identique au premier mais diffèrent par l’apprentissage acquise par les deux premières enjambées. Le regard bégaye et le corps tâtonne.

Petit à petit la cadence des foulées s’accélèrent, l’impatience espiègle s’empare de la méfiance, les longueurs et matières se découvrent de plus en plus rapidement dans un flou qui gronde. Iel tend le bras et le reprend, il prend en charge l’espace et le porte, en saisit le doute. Les mouvements, peu méticuleux, lézarde, foulent les agglomérats volumineux qui jonchent la périphérie du corps.

Un pas… puis un autre… Les foulées ralentissent et le regard se pose, les yeux s’égarent et prennent le relais des jambes, qui, essoufflées de cette course se figent. L’apprentissage se fait. La respiration se calme au fur et à mesure que les informations s’intègrent, les mouvements peu à peu régies par le déploiement des aspérités et des fuites.

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LA TRANSFORMATION
Aussitôt que l’organe entre en contact avec la poreux, l’habitable, Iel se vêt d’une enveloppe flasque épousant les volumes. Iel se déploie puis se répand, iel colmate chaque fente, peu à peu le précipité humide du corps s’incruste dans la terre par les ouvertures qui se présentent, investit chaque espace obscur emprisonné entre deux parois, comme le rhizome dans la terre. Le corps désossé danse et ne se doute de rien jusqu’au premier signal. Le territoire vibre et fait vibrer le corps, qui, simultanément agite le matériaux sur lequel il repose.

L’individu est alors multiple, et varie par intensité, n’est jamais une unité durable mais toujours une précipité en fusion. Une multitude de soi répandus dans l’entre-deux l’interface, l’arborescence se met à jour dans un réseau croisé d’influence, jusqu’à ne rester qu’être que de par sa prolifération immanente.

La contre-forme du vide s’imprime dans son être et devient relique du non-être appartenant à l’environnement ; l’habitat. Et puis en un temps mort le corps se rigidifie, le précipité humide se rassemble, se solidifie, sec et amère. Alors les extrémités de la chair aride compose avec, se plante, les deux matériaux cassant en collision, ou chaque miette et résidu repose et ressuscite peu après son émancipation, sédiment du vécu. Chaque granulé marque la peau endurci, qui gratte, frotte et s’effrite. Le frottement fait fondre ce corps qui peu à peu redevient magma.

La terre moule et sculpte l’être qui, une fois autonome, se dépose et agit sur celui-ci, qui se dresse et se remet en mouvement une nouvelle fois pour répéter ce processus, déposant la muqueuse de la chair sur chaque épaisseur de l’environnement et devient science du monde qui l’entoure, qui érode l’habitat.

Les rythmes varient, les mouvements ne sont jamais définis d’une manière absolue. Chaque possibilité de singularité appelle à son idiorythmie et les expériences sont micro-temporelles, singulières et chaque itération est une différenciation de la précédente. Le corps se prélasse, mût, s’alterne, il est impossible de figer les évènement dans le temps de manière absolue, il est uniquement possible de situer l’entrée et la sortie des flux en les éprouvant. Le geste est dorénavant rapide, même sur place, le morcellement physique multiplie les vitesse différée ; les tribulations sont amorphes.

Ce corps intense s’intègre dans le réseau structurel de cette espace, tout d’abord comme conquérant, puis comme rouage pour enfin habiter l’environnement. Le corps vivant, allotropique et intense se glisse, cumule, pratique et boucle. Il s’écoule, raye et glisse, rugit l’impulse et régit l’élan, il est l’acteur, l’acteur de l’interface : l’inter-acteur. Il est en même temps composants et compositeur, s’immisce dans le système des composants inter-reliés synergiques, un dynamisme vibrant où les espaces ne sont que des fissures où l’intensité du corps se glisse, un agencement mouvant où les variétés d’actions ne sont plus séparables des variables du substrat en perpétuel interaction. Chaque particule du corps résonne dans l’acoustique du lieu, et chaque mouvement trouve sa résonance, comme marchant sur une grande partition. Le corps vibrant expulsé provoque un son, une note qui résonne et parcourt la tectonique de l’espace, exfoliant les mystères de celle-ci.

Les yeux entre-ouvert, la bouche ouverte, la rotation de la caméra s’enclenche, avec pour centre de gravité iel. À la lumière artificielle, qui découpe chaque aspérité et volume du territoire en une infinité de dégradé, se déroule un autre cliché cinématographique imaginé. Les lumières dansent autour de son visage.

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LE LIEU
Du lieu à l’espace. C’est une de celle-ci. Une troisième voie, un tiers-lieu.

La fumée livide de l’usage se dissipe car ici, il n’est pas question d’un environnement amorphe, mais d’un substrat, immatériel « ce qui sert de support, ce sans quoi une réalité ne saurait exister », là où les strates d’architectures de l’Humain et de l’habitable s’engouffre dans l’expérience. Immatériel mais pourtant cartographié, une multitudes empirique qui vient dessiner un entre-deux filaire s’enracinant dans le substrat, une constitution sans hiérarchie. L’abstraction le reste-elle lorsqu’elle est habitée ? L’immatérielle le reste-il en présence d’un corps vivant ? L’espace figé le reste-il lorsque secoué par des organes vibrants ?

L’acte d’incarnation rompt et cohabite, cette dichotomie forme ce tiers-lieu, émergeant de l’interdépendance, un réseau continuellement régénéré. L’espace fuite. Là où l’abstraction est solide, support et réceptacle.