Umwelt V02
[ Dernière mise à jour : 31.05.20 ]
Présent dans l'installation n°2 et dans Lazare.
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LA DÉCOUVERTE
Il y a une terre. Il y a un environnement où l’ombre est docile.

Un lieu où s’immerge et s’immisce l’homme qui marche, qui déambule. Erratique, il marche de manière erratique. Là où l’errance se situe entre le flâneur et le scientifique, quand se croisent sens et sensation.

Iel lui est impossible de connaître ce lieu, seulement d’en faire partie, de construire et de se construire avec. Le décrire par ses qualités matérielles n’est pas suffisant, il faut tenter d’appréhender la narration d’une pratique de celui-ci, ou, au mieux, le pratiquer soi-même.

Un pas, puis un autre… Les jambes se découvrent hasardeusement à mesure qu’elle frôle la terre ferme. Encore un autre pas, identique au premier mais diffèrent par l’apprentissage acquise par les deux premières enjambées. Le regard bégaye et le corps tâtonne.

Petit à petit la cadence des foulées s’accélèrent, l’impatience espiègle s’empare de la méfiance, les longueurs et matières se découvrent de plus en plus rapidement dans un flou qui gronde. Iel tend le bras et le reprend, il prend en charge l’espace et le porte, en saisit le doute. Les mouvements, peu méticuleux, lézarde, foulent les agglomérats volumineux qui jonchent la périphérie du corps.

Un pas… puis un autre… Les foulées ralentissent et le regard se pose, les yeux s’égarent et prennent le relais des jambes, qui, essoufflées de cette course se figent. L’apprentissage se fait. La respiration se calme au fur et à mesure que les informations s’intègrent, les mouvements peu à peu régies par le déploiement des aspérités et des fuites.

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LA TRANSFORMATION

Aussitôt que l’organe entre en contact avec la poreux, l’habitable, Iel se vêt d’une enveloppe flasque épousant les volumes. Iel se déploie puis se répand, l’épaisseur du liquide disparaissant aussitôt que celui-ci rencontre un creux, une disparition vite remplacée par une nouvelle impulsion liquide, progressivement les clapotis surgissent des crevasses et témoigne des abysses aux profondeurs plurielles. Iel colmate chaque fente ; peu à peu le précipité humide du corps s’incruste dans la terre par les ouvertures qui se présentent, investit chaque espace obscur emprisonné entre deux parois, tel le rhizome dans la terre.

Le corps desossé danse et ne se doute de rien jusqu’au premier signal. Le territoire vibre et fait vibrer le corps, qui, simultanément agite le matériaux sur lequel il repose, une intensité liquide qui résonne et laisse transparaître une vision distordue du sol qu’elle inonde. L’individu est alors multiple, n’est jamais une unité durable mais toujours une précipité en fusion, une magma fumant répandus dans l’entre-deux l’interface. Iel n’existe plus que par sa prolifération : une étendue immanente qui serpente et s’enlace de quelque façon différente et pourtant toujours quasiment pareilles. Un réseau croisé se dessine alors entre cet amas terrestre et ce liquide brûlant en une communauté de substance ; on ne saurait plus dire quel était le premier arrivé, un modelage mutuel d’un nouveau monde commun. La contreforme du vide se dessine par les contours de l’eau comme autant d’artère remplies, la terre qui écluse l’eau et l’accueil en son sein.

Et puis en un temps mort le corps se rigidifie, le précipité humide se rassemble, se solidifit, sec et amère, figeant ce modelage du contenant. Iel devient relique du non-être appartenant à l’environnement; l’habitat.

Les extrémités de la chair aride compose avec, se plante, les deux matériaux cassant en collision, ou chaque miette et résidu repose et ressuscite peu après son émancipation, sédiment de la transformation. Chaque granulé marque la peau endurci, qui gratte, frotte et s’effrite. Le frottement fait fondre ce corps qui peu à peu redevient magma.

La terre moule et sculpte l’être qui, une fois autonome, se dépose et agit sur celui-ci, qui se dresse et se remet en mouvement une nouvelle fois pour répéter ce processus, déposant la muqueuse de la chair sur chaque épaisseur de l’environnement et devient science du monde qui l’entoure, qui érode l’habitat.

Ce corps intense s’intègre dans le réseau structurel de cette espace, tout d’abord comme conquérant, puis comme rouage pour enfin habiter l’environnement. Le corps vivant, intense se glisse, cumule, pratique et boucle. Il s’écoule, raye, et glisse, rugit l’impulse et régit l’élan, il est l’acteur, l’acteur de l’interface: l’interacteur. Il est en même temps composants et compositeur, s’immiscent dans le système, des composants inter-reliés synergiques, un dynamisme vibrant où les espaces ne sont que des fissures où l’intensité du corps se glisse, un agencement mouvant où les variétés d’actions ne sont plus séparables des variations du substrat en perpétuel interaction.

Chaque particule du corps résonne dans l’acoustique du lieu, et chaque mouvement trouve son harmonie. Le corps vibrant expulsé provoque un son, une note qui résonne et parcourt la tectonique de l’espace, exfoliant les mystères de celle-ci.

Les yeux entre-ouvert, la bouche ouverte, la rotation de la caméra s’enclenche, avec pour centre de gravité iel. À la lumière artificielle, qui découpe chaque aspérité et volume du territoire en une infinité de dégradé, se déroule un autre cliché cinématographique imaginé. Les lumières dansent autour de son visage.

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LE LIEU
Iel, dans sa transformation, emporte sous sa forme liquide sécrétions et sédiments qui s’écrasent alors sur les parois des cimes volcaniques et montagneuses qui peu à peu s’enfoncent dans la croute terrestre, soumises à la vibration du corps et du site.

À l’arrière plan du paysage un tremblement se fait ressentir, il fait apparaître la cime d’un autre agglomérat rocheux, un nouveau volcan se redressant qui écartèle ce qui le recouvrait il y a peu. Le récif précédemment formé par l’enfoncement du volcan se désolidarise, l’ensemble des pièces composant ce puzzle organique emportées par l’ascension du pic rocheux.

La température interne augmente au fur et à mesure que celui-ci se découvre, marqué par la coloration rougeâtre vibrante et étouffée semblable à la lumière d’une ampoule mourante. Le monstre caillouteux prend de la hauteur et surplombe l’immensité du site qui le contenait en son sein. Les gravas, reliques du récif qui couronnait le cimetière de cette montagne enterrée, dévalent les pentes ardues et chaque choc les divisent en une multitude d’éclats qui s’effacent peu à peu dans l’immensité de cette terre nervuré en pic.

Le volcan se réchauffant fait fondre les sédiments précèdent déposés, qui deviennent particule, une nuage brin en une infinité d’élèments migrant le long de la surface aqueuse. Peu à peu ils vacillent au dessus de celle-ci, se déposent et se laisse guider par les ondulations de l’eau, épousant une nouvelle fois les volumes de l’eau oscillante

Du lieu à l’espace. C’est une de celle-ci. Une troisième voie, un tiers-lieu. Il n’est pas ici question d’un environnement amorphe, mais d’un substrat «ce qui sert de support, ce sans quoi une réalité ne saurait exister», là où les strates d’architectures de l’Humain et de l’habitable s’engouffre dans l’expérience. Masse modulaire prise dans une cartographie mouvante, une multitude empirique qui vient dessiner un entre-deux filaire s’enracinant dans le substrat, qui se répand entre les strates de cette écosystème.

La fumée livide de l’usage se dissipe. L’abstraction le reste-elle lorsqu’elle est habitée ? L’immatérielle le reste-il en présence d’un corps vivant ? L’espace figé le reste-il lorsque secoué par des organes vibrants ?

L’acte d’incarnation rompt et cohabite la neutralité du lieu, cette dichotomie forme ce tiers-lieu, émergeant de l’interdépendance du protagoniste et du lieu, un réseau continuellement régénéré. Là où l’inconnu est solide, support et réceptacle.

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RYTHME ET SÉQUENCE
Les rythmes varient, les mouvements ne sont jamais définis d’une manière absolue. Une infinité de possibilité vectrices de sensations.

Iel s’arrête et se fige. Césure. Temps mort. Ces temps morts sont déterminants. Le vide. Ce vide n’est alors que la contre-forme d’une action effectué précédemment ou prochainement. Les vacillantes ondulations du vent demeurent. À moins que ce ne soit le frottement des plaques tectoniques qui doucement ralentisse, encore brûlante de la séquence précédente.

Un vide n’existe que s’il est juxtaposé à un plein. Deux séquences différentes. Par juxtaposition un tissage se dresse entre les deux éléments. Un ensemble de lignes croisées, un maillage qui s’épaissit. Peu à peu il devient impossible de distinguer chaque ligne du maillage, l’espace vide rectiligne entre les croisements du tissage se réduisent peu à peu. Le maillage devient une zone grise trouée, puis à peu près pleine. Surface pleine. Un dégradé gris s’étend sur toute cette surface. Ces deux séquences en ont créé une troisième, une troisième surface propre à chacun.

Ce vide vient donner de l’impact au mouvement qui suit, les foulées reprennent dans l’architecture modifiée d’une pratique construite. Chaque nouvel élèment de cette pratique fait émerger de nouvel sensation qui enrichisse et dépasse l’objectif déterminé de chaque enjambement. Chaque craquement, frottement, donnent de nouvelle harmonies à l’instrument-lieu. Si la possibilité d’une stabilisation de cette pratique se sentait, un nouveau pas suffirait pour y remédier.

Les expériences sont micro-temporelles, singulières et chaque itération est une différenciation de la précédente. Le corps se prélasse, mût, s’alterne, il est impossible de figer les évènement dans le temps de manière absolu, il est uniquement possible de situer l’entrée et la sortie des flux en les éprouvant. Le morcellement physique du corps multiplie les vitesse différées.

Du lieu à l’espace. C’est une de celle-ci. Une troisième voie, un tiers-lieu. Il n’est pas ici question d’un environnement amorphe, mais d’un substrat «ce qui sert de support, ce sans quoi une réalité ne saurait exister», là où les strates d’architectures de l’Humain et de l’habitable s’engouffre dans l’expérience. Masse modulaire prise dans une cartographie mouvante, une multitude empirique qui vient dessiner un entre-deux filaire s’enracinant dans le substrat, qui se répand entre les strates de cette écosystème.

La fumée livide de l’usage se dissipe. L’abstraction le reste-elle lorsqu’elle est habitée ? L’immatérielle le reste-il en présence d’un corps vivant ? L’espace figé le reste-il lorsque secoué par des organes vibrants ?

L’acte d’incarnation rompt et cohabite la neutralité du lieu, cette dichotomie forme ce tiers-lieu, émergeant de l’interdépendance du protagoniste et du lieu, un réseau continuellement régénéré.

Là où l’inconnu est solide, support et réceptacle.