LA TRANSFORMATION
Aussitôt que l’organe entre en contact avec la poreux, l’habitable, Iel se vêt d’une enveloppe flasque épousant les volumes. Iel se déploie puis se répand,
l’épaisseur du liquide disparaissant aussitôt que celui-ci rencontre un creux, une disparition vite remplacée par une nouvelle impulsion liquide, progressivement
les clapotis surgissent des crevasses et témoigne des abysses aux profondeurs plurielles. Iel colmate chaque fente ; peu à peu le précipité humide du corps s’incruste
dans la terre par les ouvertures qui se présentent, investit chaque espace obscur emprisonné entre deux parois, tel le rhizome dans la terre.
Le corps desossé danse et ne se doute de rien jusqu’au premier signal. Le territoire vibre et fait vibrer le corps, qui, simultanément agite le matériaux sur lequel
il repose, une intensité liquide qui résonne et laisse transparaître une vision distordue du sol qu’elle inonde. L’individu est alors multiple, n’est jamais une unité
durable mais toujours une précipité en fusion, une magma fumant répandus dans l’entre-deux l’interface. Iel n’existe plus que par sa prolifération : une étendue immanente
qui serpente et s’enlace de quelque façon différente et pourtant toujours quasiment pareilles. Un réseau croisé se dessine alors entre cet amas terrestre et ce liquide
brûlant en une communauté de substance ; on ne saurait plus dire quel était le premier arrivé, un modelage mutuel d’un nouveau monde commun. La contreforme du vide se
dessine par les contours de l’eau comme autant d’artère remplies, la terre qui écluse l’eau et l’accueil en son sein.
Et puis en un temps mort le corps se rigidifie, le précipité humide se rassemble, se solidifit, sec et amère, figeant ce modelage du contenant. Iel devient relique du
non-être appartenant à l’environnement; l’habitat.
Les extrémités de la chair aride compose avec, se plante, les deux matériaux cassant en collision, ou chaque miette et résidu repose et ressuscite peu après son émancipation,
sédiment de la transformation. Chaque granulé marque la peau endurci, qui gratte, frotte et s’effrite. Le frottement fait fondre ce corps qui peu à peu redevient magma.
La terre moule et sculpte l’être qui, une fois autonome, se dépose et agit sur celui-ci, qui se dresse et se remet en mouvement une nouvelle fois pour répéter ce processus,
déposant la muqueuse de la chair sur chaque épaisseur de l’environnement et devient science du monde qui l’entoure, qui érode l’habitat.
Ce corps intense s’intègre dans le réseau structurel de cette espace, tout d’abord comme conquérant, puis comme rouage pour enfin habiter l’environnement. Le corps vivant,
intense se glisse, cumule, pratique et boucle. Il s’écoule, raye, et glisse, rugit l’impulse et régit l’élan, il est l’acteur, l’acteur de l’interface: l’interacteur. Il est en
même temps composants et compositeur, s’immiscent dans le système, des composants inter-reliés synergiques, un dynamisme vibrant où les espaces ne sont que des fissures où
l’intensité du corps se glisse, un agencement mouvant où les variétés d’actions ne sont plus séparables des variations du substrat en perpétuel interaction.
Chaque particule du corps résonne dans l’acoustique du lieu, et chaque mouvement trouve son harmonie. Le corps vibrant expulsé provoque un son, une note qui résonne et parcourt
la tectonique de l’espace, exfoliant les mystères de celle-ci.
Les yeux entre-ouvert, la bouche ouverte, la rotation de la caméra s’enclenche, avec pour centre de gravité iel. À la lumière artificielle, qui découpe chaque aspérité et volume
du territoire en une infinité de dégradé, se déroule un autre cliché cinématographique imaginé. Les lumières dansent autour de son visage.